Inéligibilité : vers un fichier national recensant les personnes inéligibles ?
Chaque élection est un moment clé de la démocratie, mais que se passe-t-il quand les règles du jeu ne sont pas respectées ? Imaginez qu’une personne frappée d’une peine d’inéligibilité puisse se présenter. C’est précisément ce qui s’est produit lors des élections législatives de 2024 dans la 2e circonscription du Jura. Face à cette problématique, une proposition de loi visant à créer un fichier national des personnes inéligibles a été déposée au Sénat.
Qu’est-ce que ce fichier national des personnes inéligibles ?
Le fichier national des personnes inéligibles recenserait, de manière centralisée, l’identité des citoyens frappés d’inéligibilité, qu’elle soit prononcée par une juridiction pénale, administrative, par le Conseil constitutionnel ou liée à une mesure de protection juridique. Il s’appliquerait aux élections nationales et locales (élections municipales, législatives et présidentielle) ainsi qu’à celles des conseillers des Français de l’étranger.
Les informations collectées incluraient le nom, la date de naissance, la nationalité, le domicile, le motif et la durée de l’inéligibilité ainsi que les décisions judiciaires associées. La gestion du fichier serait sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur.
La consultation de ce fichier serait d’abord réservée aux autorités chargées de recevoir les déclarations de candidature à une élection. Elle serait également accessible aux juridictions judiciaires et administratives ainsi qu’au Conseil constitutionnel.
Qui serait concerné ?
Selon la sénatrice Sophie Briante Guillemont (Rassemblement Démocratique et Social Européen), à l’origine de la proposition de loi, « il ne s’agit pas de recenser toutes les situations d’inéligibilité », comme les mineurs ou certains fonctionnaires pour les élections locales, mais uniquement « toutes les personnes déchues de leur droit à éligibilité par le juge judiciaire, administratif ou constitutionnel, ainsi que les majeurs protégés ».
Seraient donc concernés :
- les personnes condamnées par une juridiction pénale à une peine entraînant la perte du droit d’éligibilité ;
- les personnes frappées d’une décision d’inéligibilité prononcée par une juridiction administrative ;
- les personnes dont l’inéligibilité a été prononcée par le Conseil constitutionnel ;
- les majeurs placés sous un régime de protection juridique qui, en vertu de la loi, ont perdu leur droit d’éligibilité.
Selon la proposition de loi, les personnes inscrites auraient un droit de rectification des données en cas d’erreur, conformément aux règles fixées par décret et avec la supervision de la CNIL sur les questions de protection des données personnelles.
Bon à savoir : la proposition de loi sera débattue en séance publique le 6 novembre 2025. Si le texte est adopté par le Sénat, il pourrait ensuite être examiné par l’Assemblée nationale avant une adoption finale.
Un exemple concret d’inégilibilité : une élection annulée dans le Jura
Lors des élections législatives de 2024 dans la 2e circonscription du Jura, un exemple illustre parfaitement les enjeux liés à l’absence d’un contrôle efficace des inéligibilités. Thierry Mosca, candidat du Rassemblement national placé sous curatelle renforcée depuis novembre 2023, était juridiquement inéligible. Cependant,
comme la préfecture n’avait pas eu accès au jugement, sa candidature a été validée et il s’est présenté au premier et deuxième tour.
Cette situation a finalement conduit le Conseil constitutionnel à prononcer l’annulation de l’élection de la députée élue, Marie-Christine Dalloz, au motif que la participation du candidat inéligible avait porté atteinte à la sincérité du scrutin.
À noter : dans son rapport publié en novembre 2024 sur l’organisation des élections, la Cour des comptes préconise notamment la création d’un répertoire des personnes inéligibles pour faciliter le contrôle des candidatures et éviter les irrégularités.